Suite à l’interview donné par Libération au Pr Cohen, président du collège national des Universitaires de pédopsychiatrie, concernant le packing (14 juin 2016), trois associations nationales de personnes autistes ont souhaité réagir : leur réaction a été publiée par le quotidien (16 juin 2016), mais elle a été tronquée.
Voici leur réaction dans son intégralité.
SAtedI, l’Alliance Autiste, l’Alliance 4A
Nous, personnes autistes, sommes indignées par le mépris de ces pseudo-professionnels, que le Pr Cohen représente, devant les résultats établis par la communauté scientifique internationale[1] ; nous sommes consternés de voir ces mêmes professionnels s’organiser en réseau pour maintenir des pratiques inefficaces et ainsi continuer à nous nuire.
Nous sommes sidérés que Mr Cohen décrive le packing comme relevant surtout de la thalassothérapie et du soin adjuvant : en effet, nous ne trouvons aucune comparaison possible entre la thalassothérapie et le fait de réunir toute une équipe professionnelle afin d’envelopper pendant plus de 30 minutes un enfant pratiquement nu des pieds à la tête dans des draps froids et mouillés en serrant très fort de façon à le momifier[2], et ceci qu’il le veuille ou non.
De plus, les objectifs d’une thalassothérapie et d’un pack sont bien différents : si la thalassothérapie vise à détendre, le pack a d’autres buts. En effet, un confrère du Pr Cohen, le Dr Alberhne, médecin référent en pédopsychiatrie au CHS d’Avignon, explique[3] :
« Est-ce que finalement, ce n’est pas l’intimité qui est le ressort principal du Pack ? (..) À condition d’avoir une éthique irréprochable, on peut aller très loin dans l’intimité psychique, et même physique de la personne (…) Cette intimité est vraiment un des moteurs qui fait que le pack marche et qui fait qu’il y a une implication physique corporelle des soignants ». il poursuit : « ce qui est important, c’est de ne pas érotiser le corps » (…) « il faut un minimum aimer le patient, du moins aimer ce qu’on fait avec le patient »
Cette description, de la bouche même d’un spécialiste montre que le packing, en plus d’être un traitement inefficace[4], est dégradant : l’enfant est quasiment nu, complètement vulnérable, contenu, on pénètre dans son intimité psychique de manière forcée, on viole son intimité. C’est un viol psychique qui, sous couvert de thérapie, est pratiqué et remboursé par la sécurité sociale.
Enfin, contrairement à ce que le journaliste Mr Favereau affirme dans son interview, le packing n’est pas utilisé uniquement en situation d’auto-mutilation et d’agitation, mais il est pratiqué de manière régulière, au moins 1 fois par semaine à heure fixe, quel que soit l’état psychologique de l’enfant, à qui on ne demande pas son avis ni à fortiori son accord.
Tous les pays développés, hormis la France et pays francophones limitrophes condamnent le packing : si cet interview était lu par des étrangers, ils seraient tout aussi horrifiés que nous.
Par cette circulaire visant à interdire cette pratique, Mme la Secrétaire d’État aux personnes handicapées suit simplement les recommandations du comité des droits de l’enfant de l’ONU, et nous, personnes autistes, saluons cette initiative.
Quant à la colère de Mr Cohen : qu’il l’exprime au rapporteur du Comité, il sera sûrement ravi de l’entendre.
[1] Against the packing : a consensus statement,D. Amaral, S. Rogers, Jaacap, Fevrier 2011
[2] « Quand c’est bien fait, les draps collent à la peau : le patient est momifié, il ne peut pas bouger. » T. Alberhne, psychiatre expliquant la technique du packing (voir cette vidéo)
[3] Invité le 08 octobre 2014 par la Haute Ecole Santé de Vaud ( Suisse), T. Albernhe, psychiatre, médecin référent au CHS d’Avignon, parle dans cet extrait vidéo de la pratique du packing dans son service (début de la vidéo)
[4] Il n’y a toujours aucune preuve d’efficacité ce cette pratique malgré une étude initiée il y a 8 ans
Article de Magali Pignard