Le terme « Personnes Non Autistes » et sa distinction

– Définition et explications –

(Page écrite en 2014)

Clarification (rappel)

Il est évident que nous sommes tous, avant tout, des ÊTRES HUMAINS, au même titre, et que les liens humains naturels que nous avons en commun (que l’on soit autiste ou non) sont de loin plus importants que notre différence. Seulement, vu qu’ici c’est précisément de cette différence-là que l’on parle, il convient alors de faire des distinctions, d’utiliser des « étiquettes », non pour discriminer, mais pour les nécessités de la discussion et des comparaisons. Même si c’est sans doute assez maladroit pour l’instant.

Précision

Pour celles et ceux que cette expression dérange, vous pouvez naturellement utiliser alors « non-autiste » (par exemple, « les non-autistes »), ce qui est simple, clair et logique (le contraire de « autiste »).

Quelques RAPPELS

Personnes Avec Autisme

Terme entendu lors d’une conférence de J. SCHOVANEC

Cette formulation est désormais souvent utilisée par le corps médical, en liaison avec le fait qu’il y a diverses formes d’autisme (Asperger,
Haut Niveau, atypique…).

On peut aussi parler de :

  • personnes avec TED (« Troubles Envahissants du Développement »), terme qui semble vraiment discutable
  • personnes avec TSA (« Troubles du Spectre Autistique »), semble un peu mieux…

Tout cela nous paraît finalement assez flou et laborieux et peut faire penser à certains termes comme « Personne de petite taille », « Personne issue de l’immigration », « Personne handicapée », voire « Personne dont la famille est de confession israélite »… Les autistes ont besoin de clarté… et donc, sur ce site, nous nommerons les autistes tout simplement… des « autistes ». Quels que soient la forme ou le « degré » d’autisme, ce terme demeurant pertinent.

Consulté sur la question, le Docteur Bruno GEPNER nous précise :

Je ne me pose plus la question de savoir s’il est préférable de dire : personnes autistes, personnes avec autisme, personnes avec
TED ou TSA… J’appelle ça la constellation autistique, qui flirte, à ses limites, avec d’autres constellations, et avec une personnalité autistique si elle existe.


Personnes Non Autistes (PNA)

Terme créé, en réaction à « Personnes Avec Autisme », par Eric LUCAS (Autiste Asperger, et fondateur de l’Alliance Autiste)

Le terme initial « Personnes Sans Autisme » a été abandonné car il pouvait laisser entendre qu’on pourrait avoir une dose d’autisme « en option » (ce qui reste matière à débat, mais pour l’instant peu compatible avec les usages : en effet, on ne dit pas « il a de l’autisme » mais « il est autiste », même si c’est « léger »). De toute façon, toutes ces appellations et concepts mériteraient d’être entièrement revus… Car pour nous les autistes, cette histoire « d’autisme » (cette classification dans laquelle nous sommes censés entrer) nous paraît, pour beaucoup d’entre nous, encore plus « bizarre » que pour vous, les Personnes Non Autistes.

Particularités (et avantages) de cette dénomination

Il y a évidemment un petit côté humoristique et provocateur, en impliquant que 99% de la population (les Personnes Non Autistes (PNA)) pourraient être vus comme une « catégorie », et peut-être aussi comme si le fait d’être « Non Autiste » était une sorte de manque, de tare, de handicap (!)… notable au point qu’on aie besoin de le préciser.

Bien sûr ce n’est pas par moquerie, mais plutôt pour essayer de faire comprendre aux « gens normaux » qu’il y a d’autres manières de voir les choses, pour leur montrer qu’il n’est pas juste de tout baser sur leur point de vue majoritaire, où le nombre entraîne la force (et les règlements, les conventions) mais pas pour autant la justesse ni la pertinence (et il suffit de regarder les « infos » (l’actualité, la télé) pour s’en convaincre).

Le fait « d’inverser les rôles » permet donc de mieux réfléchir et de ne pas systématiquement tout définir à partir du « plus grand nombre », car la quantité n’est pas forcément synonyme de
raison…

De notre point de vue, l’autisme est plutôt une qualité intérieure (visible notamment au travers des Asperger ou AHN), qui forcément génère une souffrance au contact d’une société perçue globalement comme un « monde de brutes »… (et ce, de manière beaucoup plus agressive que pour les Personnes Non Autistes (PNA), en raison de notre très grande sensibilité et de notre détachement).

Le choix de cette appellation répond aussi à un autre problème. En effet, entre nous (les autistes), nous parlons souvent des « neurotypiques » (= neurologiquement typiques, classiques) pour désigner les Personnes Non Autistes (ou les « gens normaux »)…

Or :

  • « neurotypique » (ou NT) est un terme plutôt « technique » et compris seulement par certains autistes ou spécialistes, donc si nous avons à l’employer dans une conversation avec des « NT », il faut commencer par le leur expliquer. Chose qui n’est pas nécessaire avec « Personne Non Autiste », qui est aussi explicite et précis que « neurotypique » ne l’est pas. Par ailleurs, il est souvent bien plus utile et « productif » que l’on ne le croit, « d’annoncer la couleur » assez rapidement lorsque nous sommes confrontés à des Personnes Non Autistes qui sont généralement de bonne volonté et compatissantes. Donc, une fois que l’on a annoncé que l’on est Asperger (ou AHN), on a souvent besoin, ensuite, de dire des choses comme « pour vous les Personnes Non Autistes, telle chose est facile, etc. »
  • le terme « neurotypique » peut être perçu de manière péjorative (comme « banal, sans originalité ») et il faut avouer que nous l’utilisons parfois d’un air soit un peu moqueur, soit un peu aigri, soit légèrement négatif d’une manière ou d’une autre. Alors qu’avec « Personne Non Autiste » (PNA), il y a beaucoup moins de sous-entendus dévalorisants, ou de ressentiment, c’est un terme purement descriptif et neutre. Certes il y a un côté légèrement drôle ou provocateur, mais sur un mode positif, constructif, pour déstabiliser un peu et pour aider les Personnes Non Autistes (PNA) à réfléchir, ce que l’on ne retrouve pas avec « neurotypique », appellation pour le moins obscure, et donc pas franchement optimale question communication. En outre, les autistes qui utilisent le terme « neurotypique » excluent, de fait, les « NTs » de leurs conversations, puisque ces derniers ne peuvent que rarement comprendre de quoi il s’agit. Cela peut être utile parfois parler parfois en « codé » (entre jeunes par exemple), mais d’une manière générale cela tend tout de même à renforcer une barrière, alors que nous, à l’Alliance Autiste, nous sommes pour que tout le monde s’entende du mieux possible, nous sommes pour le dialogue, l’ouverture sur l’autre, qu’il soit différent en tant qu’autiste, ou en tant que « Personne Non Autiste »
  • « neurotypique » n’est pas le « contraire » d’autiste… (par exemple, les trisomiques, les schizophrènes, etc., ne sont pas neurotypiques, et pas pour autant autistes) donc il n’est pas tout à fait approprié d’utiliser ce terme lorsque nous débattons des difficultés et autres problématiques « autistes <-> non-autistes »
  • quand on ne connaît pas le terme « neurotypique » (ni PNA), on parle alors des « gens normaux« , ce qui amène invariablement à des débats sans fin (et assez vains, voire énervants) sur la « normalité », en disant les choses CLAIREMENT (« Personnes Non Autistes »), il n’y a plus aucun problème
  • pour finir, si on est un peu « joueur », on peut s’amuser à dire par exemple « oui mais pour vous les Personnes Non Autistes, vous ne pouvez pas (comprendre, penser, dire, faire…) ceci ou cela, etc. etc. » d’un air un peu apitoyé ou compatissant : cela peut nous soulager (en « inversant les rôles »), et aussi cela permet aux Personnes Non Autistes (PNA) de mieux comprendre
    qu’il n’y a pas d’un côté les « gens normaux » qui ont obligatoirement raison et qui « vont bien car ils sont normaux, eux » et d’un autre côté les « autistes » qui sont forcément des «  malades » et qui souffrent du fait de leur « maladie », ce qui est généralement faux car ce qui nous fait souffrir, ce ne sont pas tellement nos particularités en elles-mêmes, mais plutôt la  confrontation de celles-ci avec les Personnes Non Autistes (ou avec l’environnement qu’elles nous imposent) (et c’est rarement de leur faute : les Personnes Non Autistes (PNA) sont tout  simplement mal préparées, mal informées, prises dans le tourbillon de la « vie normale » et ne peuvent donc prendre le temps de nous traiter avec la sensibilité et le discernement nécessaires… en général, bien sûr, notre propos n’est pas de discriminer ou d’incriminer qui que ce soit, mais d’essayer de voir les choses telles qu’elles sont (si vous avez des remarques,  n’hésitez pas à nous écrire !)

Ce terme peut éventuellement présenter un inconvénient : « Personne Non Autiste » est un peu long à dire, et un peu « lourd » (par rapport à « neurotypique » ou « gens normaux »), donc on préférera le plus souvent l’abréviation « PNA » (qui, elle, est loin d’être explicite…) mais, à notre avis, les avantages listés plus haut sont suffisamment nombreux, et, de plus, compte-tenu du fait que nous les autistes nous avons souvent à souffrir des malentendus, nous sommes particulièrement sensibles à l’importance de faire des efforts pour être clairs et sans ambigüité.

En conclusion concernant la différence bien nette que nous faisons entre « Personnes Non Autistes » (PNA) et « autistes », il ne faut pas y voir de jugement de valeur ni de volonté de discrimination, mais simplement un souci pragmatique (pour faciliter et clarifier la réflexion), dans la mesure où c’est quand « les deux mondes » sont confrontés que les problèmes se posent, et qu’il faut donc savoir à qui on a affaire. D’autant plus que l’autisme de nombreux Asperger n’est pas flagrant, ce qui complique tout, car pour eux les problèmes viennent surtout de la croyance trompeuse qu’a autrui de les comprendre.

Également, même si nous voulons « nous défendre », nous n’avons pas l’intention de créer un « ghetto des autistes » (un repli communautaire revendicatif, partial, opposé aux Personnes Non Autistes (PNA)), car bien au contraire nous souhaitons cohabiter du mieux possible avec les Personnes Non Autistes.

Et c’est précisément en étant bien conscients de nos différences, de nos modes de fonctionnement bien particuliers (que ce soit pour les PNA ou pour les autistes), que nous parviendrons le mieux à nous entendre, car de toute façon il y a besoin d’adaptation de la part des uns comme des autres, et cette adaptation est difficile si l’on en cerne mal les motifs.

Ignorer ou minimiser les spécificités des autistes (notamment Asperger ou AHN) ou des Personnes Non Autistes (PNA) conduit forcément aux problèmes…

Pour finir, il faut bien comprendre que l’Alliance Autiste est gérée par des autistes, et que nous avons besoin de nous « protéger », de conserver une distance par rapport à la société (des Personnes Non Autistes (PNA)), ce qui est facilité par cette distinction.

En espérant que ce « distingo » ne vous mette pas trop mal à l’aise !

Si c’est le cas, songez simplement au fait que cela ne vous dérange pas vous-même, en tant que « personne normale », de vous distinguer des « autistes », ce qui est parfaitement naturel. Dans un sens comme dans l’autre, donc, « C.Q.F.D. ».

Nous sommes désolés pour la longueur de ces explications mais nous ne voulons surtout pas ennuyer qui que ce soit, car notre but est, au contraire, celui d’une cohabitation pacifique améliorée.

Quelles que soient nos différences, nous sommes tous des êtres humains « de la même valeur » et nous pourrions nous nourrir de nos différences (de nos complémentarités, même) (en les comprenant distinctement), au lieu de les opposer de manière grossière et destructrice, souvent par simple ignorance et peur.

Merci.