Tentative d’analyse de l’exclusion de notre association et de celle des personnes autistes en France

De : Alliance Autiste <contact@allianceautiste.org>
Date: sam. 31 déc. 2022 à 14:14
Subject: Tentative d’analyse de l’exclusion de notre association et de celle des personnes autistes en France
To: Dominique Gillot <***@gmail.com>
 
Chère Madame, 
 
Merci pour votre sollicitude avant les élections présidentielles, mais nous n’avons toujours pas compris où se cacherait le secret pour aller vers une réduction de l’exclusion qui nous frappe depuis 2017.
 
Malgré des efforts surhumains en termes de patience, de politesse et de diplomatie (et nous ne pouvons vraiment pas faire plus), rien n’a changé, à part une réunion consentie en juin par le CIH, le HFHI Justice et la Délégation Autisme (Mme Girard).
Réunion d’ailleurs tout à fait sympathique et assez « concrète », sur le moment, mais qui ne revêtait aucun caractère de « consultation étroite » et de « participation active » comme stipulé par la CDPH de l’ONU.
De plus, cette réunion n’a été suivie d’aucune mesure ou application, et donc les problèmes principaux que nous dénonçons restent les mêmes : aucune accessibilité pour les personnes autistes (alors qu’il faut déjà commencer par là pour parler d’inclusion, évidemment), et aucune consultation et participation des organisations d’autistes « dans leur diversité », c’est à dire en incluant celles dont l’avis – complémentaire – peut être utile et peut même « changer la donne » : la preuve avec la notion d’accessibilité que nous ne cessons de répéter « dans le désert » et qu’aucune autre association n’a évoquée (selon nos informations), ce qui se traduit donc par une absence cruelle dans la Stratégie Autisme 2018-2022, et très probablement dans la prochaine (toujours selon nos sources).
 
Au moins 8 ans de refus « de fait » concernant l’accessibilité des autistes, c’est véritablement torturant, et tellement préjudiciable pour les personnes.
Déjà que la France est terriblement en retard : pourquoi continuer à freiner ainsi quand des personnes autistes apportent des informations utiles ?
 
L’autisme, c’est la diversité : il n’est pas raisonnable de penser que seulement une poignée de personnes autistes « approuvées » sauraient résumer à elles seules tout ce qui est nécessaire pour améliorer les politiques publiques en la matière. Encore une fois, si tel était le cas, cette accessibilité figurerait déjà depuis longtemps dans ces politiques.
 
Concernant le CNCPH, vous nous avez dit que pour y contribuer il fallait avoir « un certain état d’esprit », mais sans préciser lequel.
Peut-être faut-il rappeler ici que pour les autistes il faut être explicite et que nous ne pouvons pas toujours deviner ce qui est « évident » pour les gens qui sont à l’aise avec le « système normal ».
Toujours est-il qu’en dépit du déploiement de trésors de diplomatie en direction du CNCPH, nous ne voyons toujours que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie (et encore, avec un certain effort d’imagination).
La seule « avancée » en la matière, c’est que Mme Poulet (personne au demeurant fort sympathique) nous a dit que le président du CNCHP était intéressé par nos éventuelles contributions, mais sans que l’on puisse savoir comment concrétiser cela.
Après que nous ayons rappelé cela au bon souvenir de Mme Poulet, celle-ci nous a écrit qu’elle allait revenir vers nous, puis plus rien. Puis, rappel aimable, plus rien etc. Et il est difficile de continuer comme ça, sans quoi on se fait accuser de « harcèlement », ce qui est l’étape prévisible qui suit celle du « Mutisme Administratif ».
 
Tout le monde est bien gentil, mais dans les faits, nous sommes toujours exclus de la consultation étroite et de la participation active.
La réunion de juin n’avait pour but que de répondre à nos demandes d’informations, ce qui est déjà fort honorable même s’il aura fallu des années de patients efforts polis, mais la fourniture d’informations par le Gouvernement, ce n’est pas la même chose que la consultation et la participation, c’est unidirectionnel et non participatif.
 
Alors, sans doute que nous n’avons pas ce fameux « état d’esprit » nécessaire ?
 
Mais comment faire alors, puisque nous ne savons pas vraiment ce que c’est (à part la politesse et la diplomatie, mais ça c’est déjà fait), et puisque quand il y a autisme il y a forcément difficultés dans la communication et les relations sociales, or si rien n’est fait en termes d’adaptation du côté des « non-autistes », alors que pouvons-nous faire, nous qui faisons déjà beaucoup d’efforts, énormément d’efforts (précisément parce qu’il n’y a rien en face, ou si peu : des sourires mais aucune main tendue).
 
C’est un peu comme si le gouvernement regardait des personnes en fauteuil roulant qui essaient de monter les étages pour « accéder » à leurs réunions, en leur souriant et en leur parlant gentiment, mais sans rien faire de concret pour les aider, et sans même descendre les marches pour aller vers elles : bref, sans efforts d’adaptation, sans se remettre en question.
 
On nous reproche parfois des questions de « comportement », qui serait mal adapté, mais c’est un peu comme reprocher à des aveugles de se cogner contre les murs ou de « se prendre » des poteaux dans la rue en marchant. Vous savez bien que le « comportement » des personnes autistes handicapées ne peut pas être « normal ».
C’est facile de ne s’intéresser qu’à la brindille dans l’oeil de l’autre, sans voir la poutre dans le sien.
 
Comme j’ai essayé de vous l’expliquer, au final on attend de nous que nous nous comportions exactement comme si nous n’étions pas autistes, pour pouvoir « accéder ». Même si peut-être, sans doute, ce n’est pas ce que vous voulez, dans les faits c’est comme ça que ça se passe.
Et ce problème, il n’est pas seulement pour notre association pour accéder aux « instances », non, il est partout pour tous les autistes, pour l’accès à tous les services publics ou privés.
 
Et ça, ça ne va pas du tout. 
Car en résumé, c’est « pas de bras : pas de chocolat »…
 
Tout est toujours de notre faute, et le système ne fait pas d’efforts d’adaptation (ou si peu) pour se rendre accessible aux autistes.
En général, il ne sait que leur reprocher de ne pas être adaptés, et il se sert de cela pour refuser, rejeter, ignorer, etc. etc. (Les réactions à nos tentatives, ou plus précisément les absences de réaction, le démontrent facilement.)
A quelques exceptions près (comme avec vous), c’est clairement de l’exclusion, et c’est de la discrimination préjudiciable sur la base du handicap – comme l’expliquent la CDPH de l’ONU et son Comité – car elle est due à l’absence d’aménagements (c’est à dire, pour nous, l’absence de Prise En Compte Correcte de l’Autisme Partout (PECCAP)).
 
Mais il y a autre chose.
Car nous reprocher (plus ou moins implicitement) notre « comportement », ça, c’est la « surface ».
 
Dans les problèmes plus profonds et bien plus graves, il y a aussi et surtout le GROS, l’IMMENSE problème de la confusion permise par l’article 1er de la Loi 2005-102, qui – en résumé – institue et consacre le conflit d’intérêts. (Et là, on parle de milliards ou de dizaines de milliards annuels.)
Car – pour rappel – comment peut-on prétendre sérieusement et honnêtement qu’un secteur (dit « médico-social ») pourrait défendre en même temps les intérêts des deux millions de personnes handicapées qu’il « accueille » et qu’il « sert », et en même temps les intérêts de ses deux millions de salariés ??
C’est faire offense à l’intelligence humaine que d’affirmer qu’il n’y a pas de conflits d’intérêts ici.
 
Or nous sommes la seule association (ou du moins la première) à avoir dénoncé cette aberration, c’est à dire à avoir montré que l’Empereur est nu.
De là à penser que nous sommes « punis » ou du moins « indésirables » à cause de cela (comme ce fut déjà le cas suite à notre rapport au Comité des Droits des Enfants en 2015 et à notre demande de visite – largement soutenue – à Mme Devandas-Aguilar), il n’y a qu’un pas.
 
Soit dit sans vouloir vous offenser, nous avons également trouvé assez étrange que lors de la réunion à laquelle vous nous avez très élégamment et très honnêtement invités, que ce n’est rien de moins que le directeur d’APF Handicap France qui a présenté les grandes lignes de la politique handicap en projet, à laquelle lui ou son « secteur » ont visiblement contribué (ce dont il ne s’est pas caché).
Nous ne vous accusons pas, car c’est toujours comme ça que ça se passe : c’est ce « secteur » qui dicte véritablement les politiques du handicap en France, ce qui se voit également au CNCPH, et au Conseil National Autisme notamment.

D’ailleurs, nous avons découvert récemment et par hasard que l’une des personnes membres de ce Conseil, la très honorable Professeure Catherine Barthélémy, que nous croyions « au dessus de tout soupçon », est en fait salariée par une ADAPEI… 
N’y voyez surtout pas un « jugement de personne » ici (ce qui n’a pas de sens ni d’utilité), mais il est évident que cette situation engendre forcément une relation « non-indépendante » vis à vis du secteur médico-social, lequel en résumé mène la danse, fort de ses deux millions d’emplois.
 
De toute façon, quand on voit que dès qu’il y a un risque de licenciement pour seulement une quinzaine de salariés quelque part, la moitié du Gouvernement se précipite à leur chevet et qu’on en parle pendant des mois, alors deux millions, c’est « indicible »…
 
Donc, comme on le voit, les problèmes sont très graves, et en résumé la mainmise de ce secteur sur le handicap obère tout, à commencer par l’accessibilité.
En effet, le gouvernement « suit » ce secteur, or ce dernier vit du manque d’autonomie…
L’accessibilité, ce n’est pas à ce secteur privé de s’en occuper, c’est au secteur public.
Mais le secteur public délègue la « gestion du handicap » au privé…
 
Dans ces conditions, notre exclusion est « logique »…
 
Mais la CDPH de l’ONU, et les droits et l’avenir des personnes, eux, sont piétinés.
 
Le Comité CDPH nous suggère de faire une plainte à son attention, mais nous voulons continuer à croire aux vertus du dialogue. Vous nous avez montré que c’est parfois possible.

Mais de la part des autorités publiques concernées, cela reste très superficiel (quand ça existe), et en gros cela n’a pas d’utilité car nous sommes exclus des « milieux autorisés » (où des gens « s’autorisent des trucs entre eux », comme dirait un regretté humoriste – lui aussi « puni » par le système, et ça on en a la preuve quand on regarde le tout premier reportage (très difficile à trouver) montrant l’endroit de l’accident de moto, qui est une ligne parfaitement droite en plaine, et non pas très sinueuse en montagne comme les versions officielles le prétendent à dessein).
 
Enfin, nous n’aborderons que rapidement la question de l’entité nommée « Défenseur des Droits », car là c’est carrément « hors concours ».
Et non, ce n’est pas toujours « la faute de l’autisme ou du comportement ».
Nous avons même pas mal de preuves qui démontrent sans ambiguïté les errements insignes de cet organisme, lequel d’ailleurs REFUSE de fait toute notion d’accessibilité pour les autistes.
Leur coupable « fuite en avant » est telle qu’ils en sont maintenant à refuser nos lettres recommandées.
Et les prétextes de « harcèlement » ont bon dos.
Tant de mauvaise volonté et de mauvaise foi… C’est « hallucinant », et personne n’y croirait sans preuves. Que nous avons.

Au bout de deux ans de rappels patients et polis, suivis d’un projet de grève de la faim (sans doute perçu comme outrageant alors qu’il n’était que désespéré), on a bien voulu consentir à nous répondre enfin, pour indiquer qu’il n’était pas possible de modifier les informations « juridiquement fondées » qui nous avaient été fournies, alors que précisément nos rappels pendant deux ans ne faisaient que redire à chaque fois, poliment, que nous attendons toujours ces informations… Même un enfant de onze ans verrait qu’il y a un « hic » ici. Mais pas chez le DdD, du haut de leurs donjons, dans les nuages…
Et ce projet de grève de la faim n’avait même pas pour objectif d’obtenir ces informations, mais seulement une « position ». Ce qui fut donc fait (et ce qui confirme donc l’utilité de ce projet). Mais cette « position », exprimée par cette réponse consentie, n’a tout simplement aucun sens…
Qu’est-ce qu’il y a comme mot, au-dessus de « ubuesque » ?
 
En outre, à titre personnel cette fois, je me suis fait « aboyer » d’aller me faire voir ailleurs (ici, pour vous je le dis beaucoup plus poliment que ce qu’on m’a vociféré) par un directeur de cette « autorité indépendante ». Un personnage particulièrement « malcomprenant », imbu et « fermé », comme il en existe des légions.
C’est incroyable et indigne. C’est atterrant.
Vous croyez que j’exagère ?  J’ai des preuves…
 
De toute façon c’est bien simple : comme ailleurs, il n’y a pas d’accessibilité pour les autistes chez le DdD, or en présence d’autisme il y a difficultés de communication et de relations sociales, donc par quel miracle, grâce à quelle potion magique, est-ce que le premier directeur venu d’une administration lambda pourrait être spontanément nanti de la sensibilisation et des dispositions mentales permettant d’une part de comprendre véritablement les propos de la victime (enfin, de l’usager autiste) au lieu de comprendre des choses « automatiques, normales et imaginaires », et d’autre part de ne pas se vexer (ce qui est encore un autre GROS problème qui gangrène l’Administration française, pour ne pas dire la Noblesse d’Etat, et ça date de plusieurs siècles). « CQFD ».
(Et cela est encore plus difficile si cette personne est atteinte de ce que j’appellerais le « Trouble du Petit-Chef », mais bref, ne tombons surtout pas dans les « questions de personnes », car là aussi c’est un piège qui permet d’accuser la personne qui dénonce pour protéger le pauvre fonctionnaire « attaqué », ce qui permet de facilement faire oublier ses fautes : ça va, on connaît la technique.)
 
Dans cette tentative pour résumer un peu les problèmes les plus prégnants et pour tenter d’en comprendre les « mécanismes », on ne parle pourtant pas de science aérospatiale, tout ça est assez facile à comprendre, n’est-ce pas ?
 
Qu’en pensez-vous ?
 
Et que faire ?
 
Car c’est vraiment très désespérant.
Ça fait maintenant plus de 5 ans que dure ce supplice du quasi-mutisme poli et de l’exclusion de fait.
 
Qu’est-ce qui est le plus important ?
– Se soumettre tous et toutes à la loi du secteur médico-social (et donc éviter prudemment ceux qui dénoncent, les « personae non grata », celles qui montrent les erreurs et les fautes),
ou
– Se souvenir de l’essentiel, c’est à dire d’aller vers une vie meilleure, plus libre, plus juste, plus épanouie, pour les personnes handicapées notamment autistes ?

Quel gâchis…
 
Nous vous prions de croire, chère Madame, à l’assurance de notre respectueuse considération.
 

Alliance Autiste
 
ONG d’autistes pour la liberté et la défense des autistes, l’accessibilité et la Prise En Compte Correcte de l’Autisme Partout, et l’application de la CDPH en France
enregistrée en France sous le numéro W691085867